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Archive du mois : février 2011

Jeunes vies aromatisées

Il y a des jours au travail où on nous donne notre fiche de paie. La femme qui les distribue me fait penser à Kenny de South Park. Elle se déplace comme lui et distribue les fiches, que les gens s’empressent d’ouvrir, de grimacer, de mouer de la bouche et de les remettre dans le tiroir. On est trois dans mon bureau alors je les vois. Pendant la pause dej je vais voir combien ils gagnent et en effet la grimace est de rigueur. Pour la première fois j’ai eu ma fiche à moi. Aucune moue n’est sortie de mon expression, juste un énorme What the fuck. Mon salaire c’est le prix de mon manteau. Un trop beau acheté la veille d’un premier rendez-vous, qui dès que je le mets on dirait que l’élégance est née. Maintenant ma petite sœur me le taxe. Maintenant que je connais ma paie, je vais le reprendre. Signe extérieur de richesse d’une ancienne vie. En fait mon salaire c’est aussi la somme limite de mon autorisation de découvert.
A ce  prix là, moi je décide en tout cas que je fais même plus semblant de bosser. Depuis une semaine, j’ai absolument rien fait, je laisse juste trainer un dossier sur mon bureau au cas où quelqu’un d’important se perde et entre.
J’ai téléphoné à ma mère pour lui dire que ça y est, au bout de presque un an, j’avais reçu ma paie. J’ai senti des larmes de joie. Je lui ai donné le montant, attendant les vraies larmes. Elle m’a dit ramène ta fiche, on va voir ça à la maison. Genre comme les bulletins à l’époque, tes parents veulent recompter tellement c’est pas possible que tu sois aussi médiocre mais peut mieux faire.
Comme durant mes années collège (j’étais bonne après au lycée, la violence parentale ayant porté ses fruits), le compte était bon. Ma grand mère m’a dit va voir avec le service paie, y a sûrement une erreur. Ce qu’elle dit exactement à l’épicier chaque samedi matin. Alors, sur ordre des femmes de ma famille, j’ai fais le walk of shame jusqu’au bureau paie. Et de ma voix toute timide j’ai dit que quand on m’a recruté (je devais être bourrée ce jour là) on m’avait dit que je toucherai plus. Le type me sort que ce salaire promis je l’aurai dans quelques temps. Ah d’accord, merci monsieur, bka 3la khir.
Ok rien n’a changé depuis mes 13 ans, médiocre mais peut mieux faire.
Le week end, pour fêter cette première paie, parce que j’étais quand même contente, j’invite une amie à boire un café à l’Aroma. Celui de Dely Brahim. Celui où quand tu rentres, t’as l’impression d’être jetée dans une vidéo d’irban irban. Celui où c’est tellement étroit que tu chopes un cancer du poumon en cinq minutes. Parce que tu sais, fumer quand t’as 16 ans et même pas de tétons c’est vraiment juste trop cool.
Moi le week end quand je sors, j’en profite pour mettre des fringues impossibles en semaine. Les t-shirts troués, les jeans trop jeans, les shoes embouées. Eh ben l’Aroma, c’est l’antichambre d’un mariage princier. Y a une fille qui avait une robe à volants et une rose au poignet, comme si qu’elle allait à un bal de promo. Alors que mon amie me racontait sa vie, je guettais les entrées et sorties, et le seul truc qui sortait de ma bouche c’était What the fuck.
Pourquoi se mettre son 51 (parce qu’on largement dépassé le 31) un samedi aprem pour aller boire un jus à Ain allah. Rien que le nom Ain allah ça donne envie de sortir en jogging.
Et les filles ça défile aussi dans un café, ça fait des allers retours, ça donne le tournis.
Ca donne envie de déguerpir et de dire « plus jamais ça ».
A la recherche d’un coin plus tranquille avec mon amie, on tourne dans les rues de Dely Brahim quand on trouve un restaurant turc (turknaz ou turkuaz). On entre, l’endroit est potentiellement sympa. On s’assoit  et le serveur vient nous voir direct avec deux gâteaux. On a pas commandé ça, dirons-nous. C’est exigé, dira-t-il. Hein ? On répondra. On veut pas de ça, on rajoutera. C’est exigé.
Ok puisque c’est exigé on va les manger tes gâteaux. Et on a rigolé pendant une heure du type qui confond c’est offert et c’est exigé. On a ri jaune quand on a vu sur la note deux gâteaux, 400 dinars. What the fuck, le type parle bien français. On fait une mini chaklala, on aligne et on fout le camp. Plus jamais ça. Naze, médiocre, peut pas mieux faire.
Plus je sors et moins j’ai envie de sortir. Préfère rester chez moi et regarder South Park, ça me fera des économies.
Mamzelle Namous

Lesbienvenue

Les amis je suis happy, je pars au sud, depuis le temps que j’en rêve. Je vais là d’où le pétrole vient, là d’où l’on vient en quelque sorte. Pour l’occasion, je vais bien me coiffer (ça m’a été ordonné en fait) et à mon retour je pourrai dire « Si t’as pas vu le sud, t’as rien vu ».
Ils disent tous ça. Pareil que « ma vie a commencé quand j’ai eu un bébé ». Un jour, dans quelques années, je pourrai dire ça aussi, peut-être, j’espère, nchallah ya rabi nchallah.
Je voyagerai pas avec air algérie , parce que depuis mon billet sur ce blog, je suis signalée chez eux et le syndic poste des coms méchants. Du coup je vous parle quand même de mon précédent voyage ou pas ? Allez si ! C’était dans un pays pas si lointain, la France. Et c’est  moi qui avait pas d’ordi, donc pas d’internet, mais j’ai pu être dépannée par quelqu’un qui m’a prêté son Ipad. Trop la classe. Merci mamie.
Jour du départ, à l’aéroport, je subis une fouille corporelle poussée, très poussée. J’étais pas la  seule, dans l’avion j’ai entendu deux nénettes se plaindre de cette fouille, que ça les avait embarrassé, qu’elles étaient sûres que la fliquette était lesbienne. Et que les lesbiennes étaient des malades. Elles se sont tournées vers moi pour me demander mon avis, et j’ai dis que moi j’avais pris mon pied. Regard tellement noirrrr que même mon khôl il a eu peur et il a coulé.
Bon j’aimerais bien vous parler de la vision de l’homosexualité ici en Algérie, mais je saurais pas quoi dire. Parce qu’il n’y a pas d’homo ici, juste des messages lesbiens dans les toilettes des facs. Juste des non dits, des regards, des tabous, des bars spéciaux, des faux culs. 
Quoique j’aimerais bien en parler tout de même de ce rien. Il y a quelques mois, en petite amie dévouée, et après m’être polluée l’esprit d’épisodes de Sex and the City, je décide pour l’anniversaire de mon petit ami de l’époque de lui proposer un plan à 3. Avec une autre fille. Eh ben le mec il déteste tellement les lesbiennes et apparentées qu’il m’a fait une scène et on s’est quittés. Aujourd’hui il sort avec une hijabiste qui porte un voile couleur léopard, des slim cuir que même Kate Moss elle oserait pas porter et du maquillage flash kifou makash.
Comme on est voisins, je les croise souvent. 
Pas de regrets, pas de rancœurs, je suis très bien avec mon nouveau petit copain, qui lui est ouvert pour un plan à trois (soyez pas effarouchés, on admet bien la polygamie, pourquoi ne pas étendre ça au lit!). On est juste pas d’accord sur le choix de la fille. Un jour, en plaisantant, je lui dis pourquoi pas quelque chose avec un autre garçon. Regard noirrrrr qui a fait couler mon khôl. Bon ça c’est universel ce rejet des hommes par les hétéros.
Mais l’homosexualité est un grand 3ib[1] ici. J’ai entendu parler d’une esthéticienne qui s’est fait virer parce que deux clientes se sont plaintes que ses massages allaient trop vers le haut de  la poitrine. Elle est maintenant taxée de lesbianisme aigue, alors qu’elle voulait juste bien faire son boulot.
Sinon y a ma collègue de bureau, qui chaque matin me raconte ses aventures extra conjugales, mais qui se sidère du mariage gay. Un jour elle m’a demandé si j’avais de bonnes séries à lui conseiller, je lui ai parlé de The L Word. Elle m’a répondu «  Beurk, c’est pour les lesbiennes ». Ah oui c’est vrai, au même titre que Docteur House est réservé à un public de médecins.
Je perds le fil, je devais vous parler de mon voyage. Alors il s’est rien passé de spécial. Au retour, je trimballe toujours des valises trop lourdes, et je tente de sortir les mêmes prétextes pour pas payer d’excédent de bagages. S’il vous plaît monsieur, je viens de finir mes études et je déménage, c’est normal d’avoir plein d’affaires. Ca marche presque à tous les coups. Sauf la dernière fois où le type m’a sorti  avec un regard noirrrr « Mademoiselle, vous m’avez déjà dit ça y a six mois ». Il a fallu que je tombe sur le même et qu’il me reconnaisse. Ensuite j’ai fait mon air de chien battu (c’est pas difficile pour moi, surtout avec le khôl qui coule), je lui ai fait pitié et j’ai pas payé. Encore une victoire de canard.
Avant d’embarquer dans l’avion, on m’annonce que je suis surclassée. Dans ces moments là, alors que ton cœur danse la rumba, tu fais un sourire poli et tu dis ah c’est bien merci. De la classe affaires j’ai mangé des crabes pannés (c’est pas mal), un brownie gélatineux (c’est mal). J’ai zieuté la première classe, y avait des filles aux parfaits petits bagages vuitonisés, alors que mes valises à moi elles sont toutes bossues de partout. Même pas je les envie.
Et j’ai vu devant moi  une femme, simple et classe, qui lisait un livre, en soulignant certains passages. J’étais curieuse de savoir de quoi il s’agissait, c’était très chic comme gestuelle. Elle s’est tournée et m’a souri. Un sourire doux et lumineux, un de ceux qui réconcilient les lesbiennes et les malades, qui remettent le khôl à sa place, un de ceux qu’on aimerait voir plus souvent.
Quoi je suis lesbienne ? Mais non, y a pas d’homos ici,  que des clandestins et des refoulés à la frontière. Souriez, vous êtes bien arrivés à Alger.
Mamzelle Namous

[1] Un truc honteux

My very first guest

Du nouveau dans la rubrique invite! D ‘autres textes vont bientot suivre, n’hesitez pas a cliquer dessus!

mamzelle namous

Drague moi si tu peux

Après quelques années en France, je me suis rendue à l’évidence que les français ne draguent pas. D’où la difficulté de faire des rencontres. En Algérie, les hommes n’ont pas ce problème.
Ils ont la langue facile. Évidemment je parle des gars qui vous accostent dans la rue, de la « drague sauvage ». Pas de ceux que vous rencontrez chez des amis et qui comptent vous séduire en vous parlant de leurs projets immobiliers à ouled fayed…
Dans la rue, certaines filles qui n’ont pas froid aux yeux pratiquent aussi la drague sauvage. Ce sont en général celles qui ont froid aux cheveux.
Bien sur, on regorge tous de dizaines d’anecdotes (que dis-je, de centaines) sur les relou qui nous emmerdent.  Il faut saluer l’imagination des garçons, la vulgarité des filles, et se préparer psychologiquement à chaque sortie. Un matin où je sortais très tôt faire imprimer un papier parce que plus d’encre à la maison, même pas ptit déjeunée, j’ai entendu une phrase à mon encontre digne d’un film porno. Pourquoi tant de haine ?
Un jour de printemps ou j’ai dû marcher une minute pour rejoindre ma voiture, et que j’avais une robe même pas très courte, même pas moulante, j’ai récolté un commentaire par mec croisé. Le plus mémorable étant «  Heureusement que je suis marié ». Ah parce que si t’étais pas marié, il se serait passé quoi au juste ?
Ce qui m’étonne surtout c’est le manque de conscience des mecs. Ils sont inchoufables[1] mais ont la certitude qu’ils ont des chances avec n’importe qu’elle fille. Un jour que j’étais à la plage, le matin, seule, tranquille, avec mon maillot Eres (enfin ça aurait pu être un Eres) à bouquiner, je me tourne pour voir l’horizon, et vois un mec d’au moins 50 piges avec une chiée de gosses. Le genre qui bouffe de la pastèque et du pain à la plage. Et là je vois le vieux qui me fait un signe avec son téléphone. Il a cru qu’en gigotant son téléphone, j’allais courir lui donner mon number ?
C’est pas le mec qu’a bien vieilli genre Richard Gere, juste le vieux typique bedonnant dégoutant. Et ce mec là croit sérieusement que tu peux t’intéresser à lui ! Toi qu’as travaillé dur pendant un mois pour avoir le ventre plat (ou presque), qui bosses scrupuleusement sur ton bronzage, qu’as dépensé des sommes faramineuses pour que ta masse de boucles te tape pas la honte quand tu sors de l’eau, qu’as enfin appris à te faire un maquillage de plage, toi qui as une crème pour chaque partie du corps, et qui espère donc pécho du mec à la hauteur de tes investissements corporels.
Et le vieux, tout con, tout content, dans quel monde il vit ?
Quand j’en ai parlé à ma cousine, elle m’a dit qu’il tente le coup parce que certaines filles sont intéressées. Peu importe à quoi il ressemble, ce qu’il est, ce qu’il n’est pas, l’essentiel est qu’il lui paie certains diners, certaines fringues. Pauvres filles désespérées.
Moi j’ai déjà quelqu’un qui me paie tout ça, il s’appelle l’autorisation de découvert bancaire.
Ca peut aussi s’appeler un salaire. Une bourse. Des parents. Des économies. Une allocation chômage. Un braquage de banque.
Et si rien de tout ça, eh ben ma foi, faut se passer de certains luxes. Le naturel, c’est bien aussi ! Un jour j’essaierai. Un jour j’y arriverai.
Tout ça pour dire qu’il faut avoir conscience de ce qu’on est et de ce qu’on vise. Les marges de manœuvre sont larges, mais faudrait quand même que les algériens ouvrent les yeux de temps en temps. C’est pas parce qu’on est célibataires, qu’il y a plus de filles que de garçons, qu’on est toutes matérialistes, qu’on rêve toutes d’un mari, et d’un amant en l’attendant, qu’on est prêtes à accepter n’importe quoi.
D’ailleurs, même le coup de je te drague en te donnant le prix de l’appart que je vais acheter, y en a un peu marre. Dans la vie, y a deux catégories de garçons, ceux qui se vendent en vous parlant de leurs plans épargne-logement, et ceux qui vous vendent du rêve en vous abordant timidement dans un avion, un quai de gare, un petit café, une agence de recherche d’emploi, une boulangerie. Et deux catégories de filles correspondantes, celles qui ont des plans et celles qui ont encore l’envie de rêver.

Mamzelle Namous



[1] Trop moches

Guest star

Bonjour à tous. Hier soir quelque chose d’extraordinaire s’est passé, le blog jeune vie algéroise a dépassé les 10000 visites! N’est ce pas incroyable! L’occasion de célébrer ça en lançant un truc qui me trotte dans la tête depuis quelques temps. Since le commencement du blog , je lis des messages et commentaires de gens qui me disent qu’ils ont aussi des choses à raconter mais qui ont pas forcément l’envie ni le temps de pondre  un billet chaque semaine sur un blog. Et je me suis sentie un peu bizarre vis à vis de ça, parce que je veux connaître les histoires des autres! Et c’est dommage de pas publier un texte juste parce qu’on en a qu’un ou deux. Alors je voudrais partager l’espace de ce blog, à travers une rubrique spéciale  » L’invité », qui diffuserait des textes d’autres personnes. Il suffit juste que ça parle de l’Algérie, peut importe le style, le ton, l’inspiration. Si ça me plait je diffuse. Si ça me plait pas faut pas m’en vouloir! Ca peut être une fois par semaine, plus ou moins. Pour plus d’infos, cliquez sur la page (en haut là) « l’invité de mina ». Oui le nom de cette page vient de changer en quelques lignes, je la crée dans quelques minutes!
Alors n’hésitez pas à m’envoyer vos articles, je les volerai pas promis!
Mamzelle Namous

Insoutenable légèreté de mon être

Article non sponsorisé par la compagnie

 

Pour changer , je vais pas vous demander d’où est tiré le titre de l’article. Parce que le but est pas de se cultiver non plus. Ni même de parler politique, ni même dire que je vais pas à la marche du 12. C’est pas que j’en ai pas envie, y aura tous mes potes, mais je serai pas là. Je m’envole quelques jours pour le boulot dans un pays très loin. Et c’est pour ça aussi que j’écris trois jours de suite, parce qu’ensuite je pourrai plus. Là où je vais, j’ai pas d’ordi, pas de facebook, pas de télé. A peine un téléphone. Je sais déjà de quoi je vais parler ici à mon retour. D’Air Algérie. Prête à parier que je vais revenir avec au moins 5 anecdotes. Parce que quiconque a déjà voyagé avec Air Algérie a forcément un paquet d’histoires à raconter. La mienne commence par « Quiconque a déjà pris Air Algérie a voulu mourir ». Et non j’exagère à peine.

 

Il y a quelques temps, je voyageais en Europe et je prenais Air France, et une fois y a eu une heure de retard. Tous les passagers ils se plaignaient, tout le personnel il s’excusait des désagréments occasionés, toutes les hôtesses elles étaient super sympas après pour rattraper le coup ( même qu’il y en  une qui a vu que j’avais froid et qui m’a recouvert d’une couverture et qui m’a caressé les cheveux, et même qu’elle était douce belle et suave). J’avais pas compris pourquoi, moi habituée à algerian airlines. Une heure de retard c’est pas être super en avance?
Parce que ici chez nous, une heure c’est nooooormaaaaaal. On commence à râler quelques heures après. Et personne ne va être sympa ou s’excuser pour autant. Les hôtesses, tu sais pas d’où ils les sortent mais on peut être sûrs qu’elles sont certifiées d’origine since la création de la société. Et elles te regardent comme si t’étais  là juste pour les faire chier. En plus elles sont connes. Un jour qu’une nana avait demandé un café, en spécifiant café noir, l’hôtesse avait jacassé bien fort « Bien suuuur noir, jusqu’à preuve du contraire y a pas de café blanc ». Ok……….. Même le pilote il a entendu et on a failli se crasher. En plus que ça existe le café blanc (celui qui trouve son origine gagne le prix du meilleur commentaire!).
Les stewards ont un regard un peu moins méchant, mais quand tu  demandes à l’un d’eux de l’aide pour mettre ta valise de 15kg ( noooormaaaal) dans le machin en haut, le type te répond qu’il a une scoliose mais qu’il va t’aider quand même. Il t’a déjà rendu un service en or, donc quand ensuite tu lui demanderas une couverture parce que tu gèles, il va même pas te répondre. Gèle ma petite, gèle.
Je sais pas pour vous, mais moi à chaque fois que je prends l’avion, j’ai l’espoir que le plus bel être du monde soit assis à coté de moi. Eh ben il semblerait que les beaux gens ne prennent jamais Air Algérie, parce qu’en général les avions sont peuplés de deux catégories de personnes: les vieux très vieux qui crachent leurs poumons, et les bébés très bébés qui te font regretter ton existence.
Y a aussi le problème des avions où les places sont pas numérotées, donc en sortant du bus, les gens courent comme des malades pour choper les meilleures places. Parce que toi tu le sais pas, mais l’avion c’est comme un concert, y a des bonnes et mauvaises places. Les VIP prennent celles de devant et ils peuvent zieuter ce qui se passe en première classe ( là bas ils ont des vrais couverts et de la vache qui rit).
Toi, avec tes trois sacs, t’as pas pu courir alors tu trouves une place au fond, celle à coté des chiottes. Par décence, je vais pas parler des toilettes. Rassurez vous personne n’y fait l’amour. Les gens y font des choses, on sait pas ce que c’est, mais ça implique de tartiner toute la pièce de PQ.
Quelques plats gélatineux et multiples secousses plus tard, tu atterris. Sous les applaudissements du public en délire. 2 heures plus tard tu récupères tes bagages. En les attendant, t’entends toujours quelqu’un dire qu’il prendra plus cette compagnie. « Plus jamais ça ». Sur un ton dramatique, comme si on venait de prendre Auschwitz airlines. Et y en a toujours une pour raconter comment Aigle Azur c’est mieux. Et tous de concert on se dit que plus jamais on prendra Air Algérie. Jusqu’au prochain voyage.
Quand t’arrives chez toi, un invité à ton père te demande si t’as fais bon voyage. Par politesse tu réponds oui. Et le mec te sort  » Ne mens pas! ». Et là t’avoues que tu hais l’humanité entière et que t’as faim. Et ta grand mère comprend toujours pas comment tu peux ne pas apprécier la bouffe d’Air Algérie. Ta grand mère elle fermera toujours les yeux sur les défauts des trucs nationaux historiques. Les meilleurs pilotes sont ceux de la compagnie nationale, la meilleure cantine est celle de sonatrach, Isabelle Adjani n’a subi aucune chirurgie esthétique, boutef est au fond au fond au fond un mec bien, on trouvera toujours du pétrole, et un jour l’Algérie s’en sortira! Ce jour là on chantera du Enrico Macias.
En attendant que des mecs bien en vrai en vrai en vrai viennent jouer les chefs d’orchestre.
Mamzelle Namous

Express light post

 ERRATUM ERRATUM!!! Hier, je vous disais qu’aucun de mes amis n’avait mis le drapeau égyptien sur notre livre de chevet (facebook) et le soir même un de mes bons amis a fait ressortir les lacunes de ma culture. Il avait mis ce drapeau là, et folle que je suis je l’avais pas reconnu.
Bon, moi je parlais surtout des algériens. Mais le jeune homme en question est soudanais, il a donc une histoire footballistique avec l’Egypte, mais en temps de revendication de libertés, j’imagine que les grandes âmes se dirigent toutes vers le même but. J’aurais aimé être une grande âme et me fraterniser ainsi avec tous, et un grand esprit pour reconnaître ce drapeau. Saurez vous dire ce que c’est? Des indices sont parsemés dans ce message. Ca va finir par être Question pour un champion ici! Promis, le prochain billet sera aussi léger que ma tête!
Mamzelle Namous

1971

Hier, samedi, 14h45, j’enfile un short et m’apprête à sortir pour aller danser au 5 Juillet (vous y étiez ?).
Dans ma maison, c’est comme à l’aéroport, faut passer par la police et le scanner.
Scanné par ta mère, fliqué par ta mère. Le short est pas passé, et moi non plus.
Non mais t’es folle qu’elle m’a dit. Un regroupement avec tout ce qui se passe. Ca va pas ou quoi ? Et puis c’est quoi cette tenue ?
C’est vrai que j’avais un peu abusé sur la tenue, je me croyais déjà dans une MTV Party. Vous savez celles au bord de mer, où y a des gens nus ou presque qui dansent ou presque, et que nous on les regarde comme des cons.
Donc je suis restée chez moi à facebooker. Sur le site presque tout le monde il a parlé de l’Egypte. Par contre, aucun de mes amis n’a mis le drapeau égyptien. La solidarité a ceci d’extraordinaire qu’elle trouve ses limites dans la confrontation footballistique.
Reste à espérer que si le président égyptien se casse aussi, il emmène les feuilletons égyptiens avec lui. Et l’équipe de foot aussi.
Et que rien à voir, mais que les feuilletons turcs se cassent aussi. Parce que la dernière fois j’étais assise tranquille dans un café, j’avais rien fait de mal, et mes voisines de table se sont mises à parler d’une série turque, avec passion et émotion. Celle où y a un super beau mec (enfin…) et une fille suicidaire. Si j’ai bien suivi. Et que communément on appelle ça Mouhaned. Et que des journaux algériens ont dit que des gens avaient divorcé à cause de cette série. Et que maintenant chaque mec blond était surnommé Mouhaned.
Et après cette parenthèse, les gens vont encore dire comment on peut déconner alors que c’est la guéguerre au Caire.
J’attends que la guéguerre (la vraie) arrive en bas de chez moi pour arrêter de déconner.
Ca devrait pas tarder, parce que je sens que les algériens vont être jaloux des voisins. Que nous aussi on veut être dans l’histoire, que nous aussi on veut courir dans les rues et se faire filmer (avis à France 24 : mon profil gauche est plus avantageux), que nous aussi on veut que ce soit la merde pendant quelques mois. Qu’on en marre d’entendre qu’on est pas assez intellectualisés pour contrer le pouvoir.
Que depuis 1971 on attend que notre porte-monnaie soit trop petit pour notre liasse (oui il s’est passé quelque chose en 71).
Ecrire sur facebook ne nous donnera pas une page dans un futur livre d’histoire.
Sommes nous aussi immobiles et faux culs que ceux qui roulent sur les lignes jaunes ?
On fraude aussi sur ces lignes, alors j’imagine que oui.
Toujours est il que samedi dernier, je suis restée à la maison. Je suis juste sortie pour acheter des pizzas. En attendant ma commande, j’ai vu un groupe de filles arriver avec une boite de gâteau, pour fêter un anniv. En plein après midi. Algériennes typiques, moitié hijabistes, se faisant tourner le gloss. Endimanchés comme un samedi aprèm. D’après leurs sacs à main, on pouvait déterminer qu’elles étaient dans leurs premières années de fac (je suis une scientifique du sac). Elles m’ont fait un peu pitié au début (je suis facilement méprisante).
Ensuite je les ai regardé se faire jarter de la pizzeria parce que pas assez de place, remettre du gloss (le même pour toutes), éclater de rire pour rien, se prendre en photo, avoir l’insouciance de leurs jeunes vies, être contentes d’être juste ensemble, rire encore. Et c’était finalement assez émouvant.
Et c’est peut être de quoi on a tous envie, d’être les algériens typiques qui vont plus parler qu’agir, qui ont envie d’être tranquilles, de pas prétendre à une guéguerre, parce que on a déjà eu notre dose, qui ont en a rien à foutre ce que nos voisins snobs pensent de nous,  qui veulent juste avoir les moyens d’acheter le gloss qu’on veut, de dire ce qu’on veut, de s’habiller et vivre comme on le veut. De mettre des shorts sans se faire siffler par un begar en  Mercedes qui s’est cru dans un clip MTV.
C’est pas ça qu’on nous a promis en 71 ? De la dignité ?  J’y étais pas mais j’aurais voulu y croire.
Mamzelle Namous

Eh bien dansez maintenant…


Pensez vous que nous disposons de suffisamment d’espaces de divertissement dans notre ville ? Si votre réponse est négative, alors rejoignez le mouvement! Samedi 29 au stade du 5 Juillet, on va shake shake shake ! A partir de 15h, ça se passe au parking, et ça sera pas glauque pour autant, ça sera esprit on s’aime on danse on est heureux. Pas besoin de savoir danser, pas besoin de ramener de pancartes. On fait pas la rizvolution, on est pas des excités qui rêvent d’être Mustapha Guevara. On va juste shaker du booty, ensuite on va tous aller manger une pizza et rentrer dormir. Et l’année prochaine on prend les mêmes et on recommence !
On va pas se poser de questions, scander des slogans, jouer aux grands, se faire tabasser par la police, être emmené au poste. Ah que j’aimerai être embarquée au poste quand même. Raconter ça à mes futurs  enfants. Comment votre mère, en sortant de chez le coiffeur à Meissonnier, s’est retrouvé au milieu des manifestants, comment elle a sorti sa bombe de laque pour se vaporiser les cheveux, et comment un flic a cru que c’était une bombe de la mort qui tue. Comment j’ai dis à Saïd S. qu’il avait pris un sacré coup de vieux,  et qu’il m’a dit que c’était pas trop grave parce que son fils prendrait sa place.
Comment votre mère s’est retrouvée sur les fichiers de la police alors que je vote toujours Boutef et qu’aujourd’hui encore je vote pour lui (rassurez vous, j’ai eu mes enfants jeune).
Toujours est-il que manifester n’est pas mon divertissement préféré du week end. Je préfère rester chez moi regarder mes voisins se fighter. Entre celui qui construit le 5 ème étage de sa maison et celui qui a pris sur le trottoir pour faire un garage. Entre celui qui bloque la ruelle pour décharger des briques et celui qui se plaint que son terrain vide soit devenu une décharge publique. Dans quel merveilleux monde je vis. Un monde sans urbanisme. On devrait manifester pour ça, le retour de l’urbanisme dans la vie publique. On attend que nos parents finissent leurs constructions illicites, et on s’organise ça ? Cool, on pourra danser aussi !
Le week end est aussi l’occasion pour les gens de fêter le mariage de leurs progénitures. Et de vous emmerder en vous invitant. Si par hasard ce jour là vous avez eu un bouton de fièvre et que vous avez pas pu y aller, vous serez taxée de haute jalousie. Toute fille absente à un mariage est de ce fait jalouse de la mariée. Le mariage étant le but ultime de chaque vie, et la jalousie la caractéristique principale de chaque fille.
Pourtant ça arrive d’avoir des boutons de fièvre (ça arrive même à des gens très bien). Un jour à moi aussi ça m’est arrivé. Je suis allée à la pharmacie demander des patchs pour boutons de fièvre. Et la nana m’a dit « Non, on en a pas, mais on a des patchs pour les points noirs ». La connerie est la caractéristique principale de tous les gens à notre service. On devrait manifester pour ça aussi, mais ça va être long et fatiguant et on passera pour des cons.
Alors on va faire avec la connerie ambiante, parce qu’il paraît que la socialisation passe par l’adaptation au milieu. Manifester contre la connerie c’est conforter les cons et s’en foutre. Si vous y arrivez, combat réussi. En attendant, continuons à souffrir. Si ça vous empêche de dormir, n’allez pas à la pharmacie demander des somnifères. On risque de vous proposer des préservatifs.
Ca me rappelle une fois où je suis allée dans une librairie demander si y avait des livres de Romain Gary, et qu’on m’a répondu que non mais qu’il y avait du Yasmina Khadra. Ok, je veux bien, mais c’est pas parce qu’on est algérien qu’on doit nous fourguer systématiquement cet auteur. Si vous l’aimez pas trop, c’est limite une offense à l’algérianisme. Et Dieu que sait qu’y a pas que ça dans la littérature algérienne, non ?
On devrait manifester contre les monopoles d’opinion aussi….
By the way, Romain Gary est introuvable à Alger, comme beaucoup d’auteurs. Alors, à mon petit niveau, je voudrais lancer une pratique. Les livres qu’on finit, au lieu de les ranger sous le lit (c’est bien là que vous les mettez aussi ?), ou de les passer à des potes, les réclamer ensuite comme un radin, on devrait les laisser sur un lieu public et ainsi quelqu’un  trouvera votre bouquin, le lira, et fera la même chose. Cette pratique porte un nom, que j’ai oublié (je l’ai découvert à l’époque où je lisais des magazines sérieux, que celui qui retrouve le nom parle maintenant!). J’ai essayé une fois, à la plage, avec un livre de Romain Gary justement et c’est assez cool comme impression. On se demande qui va être le repreneur du livre, on se met à imaginer, on se dit qu’un jour on va retrouver notre exemplaire chez notre futur mari, et qu’on criera OH MON DIEUUUUUUUUUUUUUUUUUU !!!! Bon, le mien a du être emporté par une vague, mais je porte encore l’espoir qu’il soit entre les mains du plus bel homme du monde.
Evitez de laisser votre livre dans certains lieux, comme les bancs publics. Parce que personne de décent ne s’assoit sur un banc à Alger. Ou dans un resto, parce que le serveur va croire que ce livre laissé là seul est un livre piégé. Et en bon algérien il va prendre ses jambes à son cou appeler la cellule anti-terroriste.
Alors qu’un livre ça sert juste à nous faire du bien. Danser aussi ça nous fait du bien. Alors venez samedi !
Mamzelle Namous

Le soupir du maure

Fin de semaine sur l’Algérie, vague de froid. Bulletin météo, bulletin moral à zéro.
Pourquoi, je sais pas. Je devrais aller bien, m’étonner chaque jour de ce que la vie me réserve, tant elle est surprenante.
Ce matin, comme chaque matin, je n’ai pas eu besoin de mettre de réveil. Je me réveille  toujours trop tôt grâce au type qui appelle à la prière. Il a un drôle d’accent, genre skikdi, il appelle plus au foutage de gueule qu’à la spiritualité. Et quand je dis ça à ma grand-mère, elle me regarde bizarrement. Quand je suis allée à la mairie de mon quartier dire que je lançais une pétition pour que le type à la voix bizarre arrête de faire aboyer les chiens à 6 h du mat, on m’a regardé bizarrement.
Apparemment à la mosquée c’est pas comme à la SNCF, les critères voix douce belle et suave sont pas requis. J’ai demandé si je pouvais appeler à la prière moi aussi, on m’a regardé bizarrement. J’ai demandé pourquoi, on m’a dit de fermer ma gueule.
Bon, je suis rentrée chez moi un peu déçue, j’ai pas osé faire circuler ma pétition, je voudrais pas qu’on me prenne pour une mécréante. Car comme tout le monde, je fais la prière, 10 fois par jour (c’est le bon chiffre hein ?). C’est juste que moi mon réveil idéal c’est Kylie Minogue version remix Miami, et pas Allahou Akbar[1] version remix port de pêche de Skikda.
Mais je concède que c’est un faux problème.
Après le réveil mou, le rituel du comment m’habiller en gardant mon style beau doux et suave tout en respectant l’algérien de base, il faut se rendre au travail. N’ayant plus de taco à moi, je squatte avec mon frère. Parce que dans les transports en commun, le risque de tomber involontairement enceinte c’est un vrai problème. Dont je parlerai quand je reprendrai le bus. Parce que la dernière fois remonte à quelques années. J’avais failli me faire violer par un papi, heureusement qu’une nana m’avait prévenu à temps. Merci la solidarité féminine dans ces moments là.  Ensuite le contrôleur m’avait jarté parce qu’il me manquait 5 Dinars pour acheter un ticket. Et personne n’avait proposé de me dépanner. Même pas la nana précédemment citée, même pas le papi, personne. J’étais descendue comme une pauvresse. J’ai voulu prendre un taxi mais aucun n’allait dans ma direction (oui à Alger c’est toi qui suis le trajet du taxi, pas le contraire), donc j’ai marché à pied. Et ça faisait tout bizarre.
Revenons à nos moutons (allah yarhamhoum[2], voyez comme je suis pieuse) et aux choses étonnantes de la vie. Cette semaine, comme chaque semaine, je travaille avec une jeune femme kabyle à l’accent kabyle très kabyle. Tellement accentué que dès qu’elle parle je me mets à danser sur du Takfarinas[3].  La nana devient exceptionnelle quand elle  se met à dire des mots en latin que peu de gens connaissent. Pendant les réunions, les gens rigolent pensant qu’elle parle en kabyle. Quand ils ont su la vérité, ils ont tous voulu se mettre au latin. Et un mec est venu me dire «  Mina, tu sais, y a des mots français qui sont tirés du latin, ben oui hein ». Que répondre à ça ?
Le regarder bizarrement lui ferait croire qu’il m’a appris quelque chose de grandiose.
Lui dire de fermer sa gueule me ferait passer pour une agressive. Alors que je suis douce belle et suave, comme la voix SNCF.
Lui dire « Ah je savais pas… » reviendrait à être sarcastique. Et le sarcasme c’est pas bien.
Lui dire « Naaaaaaan ! C’est pas vrai !! » serait faire de l’ironie, et pas grand monde au bureau comprend mon ironie (du coup je passe souvent pour une conne naïve, mais c’est un faux problème).
Je me retrouve souvent dans cette situation, parce que beaucoup de gens croient tout savoir mieux que les autres, et je sais rarement comment réagir. Mais je préfère être une ironique qui passera pour une conne/naïve, qu’une sarcastique. Vous connaissez la différence entre les deux hein ?
Cette petite citation très facile à trouver, « Entre le sarcasme et l’ironie il y a la même distance qu’entre un rot et un soupir ». Alors s’il vous plait, ne croyez pas que l’on rote quand on soupire juste très fort !
Mamzelle Namous

[1] Religion. Pour plus de renseignements, rendez vous à la mosquée la plus proche de chez vous.
[2] Religion. Voir note 1 et si vous n’avez pas trouvé de mosquée dans votre ville, parlez en aux autorités locales.
[3] Chanteur Kabyle, m’en demandez pas plus.