Hier, samedi, 14h45, j’enfile un short et m’apprête à sortir pour aller danser au 5 Juillet (vous y étiez ?).
Dans ma maison, c’est comme à l’aéroport, faut passer par la police et le scanner.
Scanné par ta mère, fliqué par ta mère. Le short est pas passé, et moi non plus.
Non mais t’es folle qu’elle m’a dit. Un regroupement avec tout ce qui se passe. Ca va pas ou quoi ? Et puis c’est quoi cette tenue ?
C’est vrai que j’avais un peu abusé sur la tenue, je me croyais déjà dans une MTV Party. Vous savez celles au bord de mer, où y a des gens nus ou presque qui dansent ou presque, et que nous on les regarde comme des cons.
Donc je suis restée chez moi à facebooker. Sur le site presque tout le monde il a parlé de l’Egypte. Par contre, aucun de mes amis n’a mis le drapeau égyptien. La solidarité a ceci d’extraordinaire qu’elle trouve ses limites dans la confrontation footballistique.
Reste à espérer que si le président égyptien se casse aussi, il emmène les feuilletons égyptiens avec lui. Et l’équipe de foot aussi.
Et que rien à voir, mais que les feuilletons turcs se cassent aussi. Parce que la dernière fois j’étais assise tranquille dans un café, j’avais rien fait de mal, et mes voisines de table se sont mises à parler d’une série turque, avec passion et émotion. Celle où y a un super beau mec (enfin…) et une fille suicidaire. Si j’ai bien suivi. Et que communément on appelle ça Mouhaned. Et que des journaux algériens ont dit que des gens avaient divorcé à cause de cette série. Et que maintenant chaque mec blond était surnommé Mouhaned.
Et après cette parenthèse, les gens vont encore dire comment on peut déconner alors que c’est la guéguerre au Caire.
J’attends que la guéguerre (la vraie) arrive en bas de chez moi pour arrêter de déconner.
Ca devrait pas tarder, parce que je sens que les algériens vont être jaloux des voisins. Que nous aussi on veut être dans l’histoire, que nous aussi on veut courir dans les rues et se faire filmer (avis à France 24 : mon profil gauche est plus avantageux), que nous aussi on veut que ce soit la merde pendant quelques mois. Qu’on en marre d’entendre qu’on est pas assez intellectualisés pour contrer le pouvoir.
Que depuis 1971 on attend que notre porte-monnaie soit trop petit pour notre liasse (oui il s’est passé quelque chose en 71).
Ecrire sur facebook ne nous donnera pas une page dans un futur livre d’histoire.
Sommes nous aussi immobiles et faux culs que ceux qui roulent sur les lignes jaunes ?
On fraude aussi sur ces lignes, alors j’imagine que oui.
Toujours est il que samedi dernier, je suis restée à la maison. Je suis juste sortie pour acheter des pizzas. En attendant ma commande, j’ai vu un groupe de filles arriver avec une boite de gâteau, pour fêter un anniv. En plein après midi. Algériennes typiques, moitié hijabistes, se faisant tourner le gloss. Endimanchés comme un samedi aprèm. D’après leurs sacs à main, on pouvait déterminer qu’elles étaient dans leurs premières années de fac (je suis une scientifique du sac). Elles m’ont fait un peu pitié au début (je suis facilement méprisante).
Ensuite je les ai regardé se faire jarter de la pizzeria parce que pas assez de place, remettre du gloss (le même pour toutes), éclater de rire pour rien, se prendre en photo, avoir l’insouciance de leurs jeunes vies, être contentes d’être juste ensemble, rire encore. Et c’était finalement assez émouvant.
Et c’est peut être de quoi on a tous envie, d’être les algériens typiques qui vont plus parler qu’agir, qui ont envie d’être tranquilles, de pas prétendre à une guéguerre, parce que on a déjà eu notre dose, qui ont en a rien à foutre ce que nos voisins snobs pensent de nous,  qui veulent juste avoir les moyens d’acheter le gloss qu’on veut, de dire ce qu’on veut, de s’habiller et vivre comme on le veut. De mettre des shorts sans se faire siffler par un begar en  Mercedes qui s’est cru dans un clip MTV.
C’est pas ça qu’on nous a promis en 71 ? De la dignité ?  J’y étais pas mais j’aurais voulu y croire.
Mamzelle Namous