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A force de ne rien comprendre à la dégaine des jeunes filles durant les soirées ramadenesques, j’ai fait un tour de passe-passe et j’ai glissé dans la peau de Meriem, 23 ans, que tout le monde appelle Meriouma, et non pas mimi (c’est trop commun). 

 

«  L’autre soir, je suis sortie avec mes copines. On a déboulé vers 22 h à l’hôtel Aurassi, j’adore cet hôtel.

Je m’étais préparée toute la journée pour être au top de la forme, je supporte pas les gens qui sont fatigués et qui baîllent en public. Jamais je me permettrais de faire pareil, surtout s’il y a des hommes autour, on m’a dit qu’il y avait rien de pire qu’une fille fatiguée.

Ah si, une fille triste. Personne  ne veut draguer une fille triste.

 

J’ai fait une manucure maison, j’avais pas assez de fric pour aller chez Pavana ce jour-là. J’ai toute la gamme de vernis golden rose, ils sont bien.

Ma mère m’a demandé où j’allais, j’ai dit qu’on sortait avec Maya et Sofia. C’est le nom de mes copines.

Elle me laisse vachement faire ce que je veux pendant Ramdane, rien de mal peut arriver, et c’est la tradition culturelle de sortir après le ftour*, c’est connu.

Du coup, à cause de mes ongles, j’ai pas pu l’aider en cuisine. T’façon, c’était le tour de ma soeur.

 

J’ai dormi, je suis allée me faire tirer le cerveau  les cheveux chez ma coiffeuse. Elle m’a dit que mes cheveux avaient poussé, ça m’a fait vachement plaisir. Pourtant j’ leur fais rien de spécial.

J’ai regardé  la série revenge, ajouté un inconnu qu’avait l’air gentil sur facebook, j’ai dormi, mis la table (quand même faut aider) et c’était l’heure de dîner.

C’est trop dur le Ramadan, je sais pas si je pourrai faire ça toute ma vie.

 

J’ai pas beaucoup mangé, ni pris de gazouz, voulais pas gonfler du ventre. Me suis vite levée de table pour aller me préparer. Faut pas sortir trop tard si on veut trouver du stationnement et des bonnes tables bien placées.

 

J’ai mis ma robe préférée, elle est couleur chair, courte, moulante et en jersey. Enfin pas trop courte non plus, j’ai de la cellulite sur les fesses.  Je comprends pas pourquoi d’ailleurs, je mange rien, et je fais du sport.

Ma mère dit qu’on y peut rien,  mais j’ai envie de me suicider quand je mate mes fesses.

 

J’ai mis mon soutien-gorge darjeeling que ma cousine m’a ramené de France, il est trop beau. Et un string etam, acheté à Hydra, qu’est de la même couleur, on dirait un ensemble.

J’assortis toujours le bas et le haut, c’est la base de la classe.

 

J’envoie un texto à Sofia pour qu’elle me bipe quand elle est à dix minutes de chez moi, histoire que je sois bien dans les temps pour les dernières retouches make-up. J’ me fais un teint nude, avec un smoky-eye violet et une bouche rouge violacé.

Quand Sofia arrive j’ai juste le temps de prendre mon sac Hermos, que je porte TOUJOURS à la saignée du coude, en levant mon avant-bras et en gardant mon poignet bien fermé, c’est très important. C’est la démarche de la classe.

 

Sof’ ( c’est le surnom de sofia entre nous), a une atos eon blanche,  presque la même robe que moi, mais en vert bouteille et plus courte.  J’adore. Elle est  encore plus mince que moi, la nature est si injuste.

On passe prendre Maya, qu’est en slim et bustier noir. J’aime pas trop. On se moque de ses cheveux qu’elle a fait toute seule au fer (……………..) mais on complimente son cul. Y a des valeurs intouchables.

 

A l’Aurassi, on est accueillies par des hôtesses super sympas et des pancartes Samsung. On marche, tac tac tac tac, on parle pas, je vérifie que j’ai pas de crotte au fin fond de mon nez.

 

On a le choix entre le panoramic lounge où faut payer 1500 dinars l’entrée et la terrasse normale de l’hôtel.

Je téléphone à nos amis Chafik et Chakib pour qu’ils nous aident à faire notre choix.

Ils sont encore loin, on va vers la terrasse. Parce que c’est mieux.

 

La vue sur Alger est très belle, mais y a pas mal  des vieux, j’ comprends pas. Quoique c’est bien les vieux, quand c’est des hommes.

Sinon, on croise pas mal de gens qu’on connaît, heureusement qu’on est au top.

 

On commande des cocktails madarine-mangue-citron-orange-fraise  trop bons, mais qu’ont bizarrement le même presque goût que les Rouiba qu’achètent ma mère. Et on regarde les gens.

 

Chafik et Chakib arrivent, ils ont trop la classe en chemise blanche, jean bleu clair et mocassins noirs. Chafik bosse dans l’événementiel et Chakib anime des soirées à Dubai, la Madrague, et Bénidorme.

On parle de la fac (je termine des études de directrice de direction), et on sourit à leurs blagues. On évite de rire, on sait jamais l’expression qu’on a quand on éclate de rire, et pis ça étire le maquillage.

 

Il est  l’heure d’aller faire des tours aux toilettes et dans le vide, wakt el douran** comme on dit.

Je comprends pas les filles qui se plaignent de pas trouver de mec mais qui restent vissées à leur chaise toute la soirée. Non mais les rencontres n’arrivent pas par magie attendez.

Y a des gens qu’ont rien compris à la vie, des fois j’ai envie de leur donner des conseils, mais ça me servirait à rien.

Alors je trace ma route, je fais ma vie. Ma cellulite et moi on va  seulement dans les endroits où y a « des gens bien » et pas de kwava***. Heureusement que personne ne peut la voir cette peau d’orange…..Quoique des fois quand je me baisse……..

 

Allez j’arrête de raconter ma vie, faut que j’aille me préparer. Je vais au Moncada ce soir. Ou au jardin botanique du St-George, ils ont fait une ambiance lounge dans les jardins, avec fauteuils en sky blanc, lumière tamisée et tout, trop classe.

Et la classe, il nous reste que ça à guetter et à quêter dans ce bled.  »

 

The end.

 

Mamzelle Namous, dans la peau douce et sexy d’une autre! 

 

 * Dîner qui casse le jeûne

** L’heure de tourner

*** Ploucs, péquenauds