Je ne pars pas en vacances, je reste dans le gris-bleu du mois d’août en ville, je traîne mon corps au travail, j’entends mes pas dans les étages vidés et ça me grise.

J’en suis arrivée à ce point culminant de sagesse où je n’envie même plus les gens qui balancent des photos de vacances sur Facebook.  Je les ai presque en pitié maintenant, parader c’est hyper has been.

 

Mais quand ma soeur m’a appelé l’autre jour pour me dire qu’elle était bien arrivée et me décrire les merveilles autour d’elle, j’ai un peu maudit mes jours tout de même.

Faut dire qu’elle avait fini son récit par un « Et toi tu vois quoi? Les voisins font toujours des travaux? hi hi hi!» 

Hi hi hi dans ta face connasse. Ouais entre soeurs, on a le sens de l’affection.


C’est vrai que depuis quelques semaines, le Bon Dieu m’a envoyé un cadeau inespéré : nos voisins sont en train d’aménager l’étage, jusqu’ici inhabité et délabré, qui fait face à ma chambre. Par chance, ils ont commencé avec la pièce vraiment,  mais vraiment, juste en face de ma fenêtre, seuls quelques mètres de ciel nous séparent.  Le vis-à-vis qu’on qu’appelle ça, ou le vue-à-vue pour les intimes.

 

Donc depuis qu’ils ont commencé leurs travaux, ils font partie de ma vue et ma vie, et les jours où j’ai le ventre plat, j’oublie de tirer les rideaux.

 

Au début, ça m’emmerdait ce bruit et ces gens, je me plaignais, j’anticipais sur la suite, j’ai over-réagi, j’ai déprimé.

Et puis et puis, un matin, j’ai vu qu’ils avaient fini la peinture de la chambre. Une chambre mauve, un truc profond. C’était moins désagréable à regarder du coup.

Le lendemain, ils ont installé un lustre et l’illmination avait quelque chose d’assez fantaisiste.

Les jours d’après, je les ai observé peindre des petits motifs blancs sur les balustrades du petit balcon, et me suis imaginée que ça serait une chambre pour un enfant.

Il n’en fallait pas plus pour m’émouvoir, y a beaucoup de bébés autour en ce moment.

J’en attends moi-même un, d’enfant, mais je sais pas trop qui est le père.

 

Depuis mon emerveillement, je suis l’avancement des travaux avec beaucoup d’attention. Ils font les choses délicatement, comme si cette pièce allait être un truc essentiel. Les membres de la famille viennent voir (c’est le genre de maison où les enfants se marient et restent), commentent, chacun y met son grain.

 

Parfois, dans la nuit, une femme vient nettoyer. Je ne la vois que courbée, je doute donc qu’elle soit très enceinte. Mais je me figure qu’un jour un bébé viendra , qu’elle le bercera sur une longue chaise, en lisant un livre. Et que Victor Hugo, s’il pouvait, il les dessinerait.

 

Ya quelques jours, ils ont installé une persienne,  ils se protègent. Et ont accroché des pots de plante sur le balcon.

Dans cette maison qu’a l’air un peu lugubre, la préparation de cette chambre a un effet spécial. Y a pas encore de meubles et tout reste à faire sur le reste de l’étage, et  je sens que ça va être ça mes vacances, suivre la construction et les finitions.

 

C’est pas le Pérou, mais c’est plus transporteur que les appels de ma soeur, les murs facebook remplis de photos d’orteils joliment vernis face à la mer, et les statuts « on a bien atterri sur notre île paradisiaque du bout du monde (enfin l’Espagne quoi) , on va vous poster des photos toutes les dix minutes tellement on s’éclate. Si vous voulez écrire un commentaire hypocrite nous ordonnant de bien nous amuser, ne vous gênez pas, on attend que ça de toute façon».

 

Ils sont cons les gens sur les réseaux sociaux, j’ai même un «ami» qui nous en  informe à chaque fois qu’il plonge dans une piscine….

Moi je vous préviendrai quand les voisins feront l’amour dans la chambre.

 

En attendant, si mon travail d’observatrice me laisse un peu de temps, je viendrai vous raconter comment ma vie sentimentale contribue, chaque jour, à faire reculer un peu plus la civilisation moderne.

 

 

 

Ma-de-moi-zelle (tla3t chuia fel grade)  Namousss