Je suis allée en vacances chez ma soeur, celle qui s’est barrée d’Alger il y a quelques mois, elle est en Asie maintenant. Chaque jour, depuis son départ, on s’envoyait des mails et elle frimait avec sa super vie.

A peine arrivée , elle avait déjà acheté une voiture, elle se tapait un super boulot, un super appart, et tout le tralalala.

Moi, je vis à Alger. Tout est dit.

Un jour j’en ai eu marre, j’ai tout plaqué et je suis allée la rejoindre.

Enfin j’ai pris un congé.

 

 

 

A l’aéroport, ça me faisait bizarre de pas me diriger direct vers Air Algérie.

Je suis allée chez les asiatiques, mais j’avais toujours l’espoir que soit assis à côté de moi, dans l’avion, un riche homme d’affaires australien. Qu’il s’appellerait Steven, qu’il ferait du surf, que son poil soit blond, et qu’un jour il se convertisse à l’islam, n’apprenne jamais l’algérien et qu’on se marie à la salle des fêtes « les grands vents ».

 

Non, bien sur. C’est un indien qui est venu s’asseoir à coté de moi.  Il était moche, et après le déjeuner, il a pété tous les ingrédients qu’il avait ingurgité. J’ai pu reconnaître chaque odeur. Je n’ai pas pu ouvrir la fenêtre et mettre fin à mes jours.

 

Je suis arrivée, j’ai vu ma soeur, j’ai vu sa  voiture, son appart. Je lui ai dit  » tu connais l’émission  viens on échange nos vies?« .

Je lui ai donné ce que ma mère lui a envoyé : de la rechta*, du matlou3** et des oranges.

On a pas cherché à comprendre.

 

Elle m’a montré la piscine de son immeuble, le thermomètre affichait 30 degrés, j’ai joui un peu.

Le lendemain, on a nous a dit que la piscine était fermée deux semaines pour cause de maintenance annuelle. C’était pas de sa faute mais j’ai insulté ma soeur.

 

Elle m’a consolé en me disant qu’il y avait la plage, et que la plage c’était beaucoup mieux de toute façon. Pour les cheveux, pour le bronzage, pour les rencontres. Elle m’a donc proposé un cours de yoga sur la plage. Ca faisait très beverly hills comme truc.

 

Mais yoga vraiment? Tu m’as bien vu? En plus j’ai pas de tenue pour faire ça. 

On y est allées, les meufs étaient toutes en yoga pants , sauf moi qu’étais en poum-poum-short de plage.

Quand fallait écarter les jambes, je me retrouvais nue. Le prof était très content, on a beaucoup écarté les jambes ce jour là.

Lorsque je n’arrivais pas à faire un mouvement (ce qui arrivait souvent vu que mon dernier cours de sport  date du lycée), je disais que j’avais mal au dos et je m’allongeais.

 

Il nous a fait faire des exercices de relaxation. Ca consiste à rester allongé et à sentir chaque membre de son corps.  De l’orteil au sourcil.

Feel your left leg. Aoummmmmm ( mina éclate de rire).

Feel your knee. Aoummmmmmm ( mina pouffe).

…………

Feel your nose. Aoummmmmmm ( mina glousse).

 

Feel your eyebrow. Aoummmmm  ( ma soeur me fait le regard  » ta gueule ou je te tue »).

 

Moi tout ce que j’arrivais à sentir en fait  c’était la mouche qui me tournait autour depuis 10 minutes.

Feel the fly. Mmmmmmmmm.

 

Le cours se termine avec  » Hear the sound of the sea ». Aoummmmm.  « Be grateful to the sun ». Aoummm.

Ouais ouais ouais, ok c’est fini maintenant? Ouf, allons nager!

 

On nous dit que c’est interdit, car plage privée d’hôtel, on peut marcher mais pas se baigner. Sinon faut payer l’équivalent de 200 euros.

Wechnou??? La mer c’est une ressource naturelle et c’est pour tout le monde, c’est l’ONU qu’a dit ça.

On s’est baignées en douce. Ensuite, à chaque fois qu’on croisait un employé de l’hôtel, on avait peur qu’on nous demande de payer. On a démarré en trombe, trop des rebelles.

 

 

On s’habitue vite à la vie au grand air, à la plage en janvier, au sable qui ne colle pas, au luxe, aux jambes galbées, et à la vie parfaite des gens branchés.

Alors j’ai dis à ma soeur qu’on devait faire des trucs un peu plus terre à terre (en fait j’étais ruinée), et on a fait un trip dans une  petite ville voisine, en bus.

Nous étions dans un  mini-bus rempli d’indiens, je voulais discuter avec les gens pour faire genre comme dans le film « eat pray love », mais ils ne  comprenaient pas ce que je disais, et moi non plus d’ailleurs.

Au milieu de la route, à l’heure de l’adhan ( appel à la prière), le chauffeur du bus s’arrêtait, prenait son tapis de prière et courait vers le sable pour prier. D’autres hommes le rejoignaient vite.

Je les regardais, ça me faisait drôle.

Ils n’avaient pas fait leurs ablutions, ils étaient plutôt sales, mais leur seul souci était de prier à l’heure convenue, alors qu’il me semble qu’il est tout à fait naturel de reporter sa prière.

J’ai pensé que notre religion ce n’était pas ça.

Pendant qu’ils priaient, des gars sont descendus du bus, et sont allés pisser. En face d’eux.

 

Je me suis souvenue qu’un jour, plus jeune, ma mère m’a interdit de passer devant elle quand elle faisait sa prière.

 

Le soir, en arrivant, on a décidé de faire la tournée des bars pour s’amuser, on a cherché comment on disait ça en anglais. Mais ça, c’est une autre histoire.

 

Je rentre bientôt ( enfin dans un mois) .

( J’ai pris un long congé maladie. Une pneumonie c’est plausible pour justifier deux mois d’absence?).

 

 

 

 

Mamzelle Namous

 

 

 

*Ingrédient servant à la préparation d’un plat traditionnel, ne m’en demandez pas plus.

**Galette