Avec l’été les moustiques. Ca pique, ça gratte, ça met de la pommade, ça fait chier sa race. On veut leur peau.

Après eux, ton petit frère qui les chasse à coups de coussin  et ton grand frère qui  les attrape à coups de main. Ca marche une fois sur deux. L’autre fois c’est toi qui t’es pris la baffe ou le coussin dans la face.

Avec eux ton père qui rentre tout content d’avoir acheté un appareil à électrocuter les moustiques. Ambiance chaise électrique au dîner. Ambiance shoah chez les Namous.

 

Avec l’été il  y a mieux. Y a la plage, y a les amours de vacances et l’espoir d’en choper un (de mec, pas de moustique). Je suis passée pro en la matière.

 

Imaginez une plage vide au matin qui se lève. C’est magnifique ce silence. Les éboueurs ne sont pas encore passés, ils ne passeront qu’une fois sur trois. Ce matin là quelques sachets s’envolent avec le vent, quelques melons sont emportés par les vagues.

Dans le décor il y a moi, levée de mon insomnie, un livre à la main. La Chute de Camus.

Et assez près un homme, qui lit un livre aussi. On peut imaginer que c’est un Dostoïevski, ou « Comment gagner au poker » de Bruel. C’est au choix.

 

Deux êtres seuls sur une plage ; le moment nous rend beaux. Mes neurones se mettent en place pour trouver une stratégie d’attrapage. Y a beaucoup de vent, je pourrais faire semblant de me noyer, mais s’il ne vient pas, est-ce que ça vaut le coup de risquer sa vie pour l’image de l’éventuel homme de sa vie ? Un neurone s’électrochoque contre un autre en essayant de répondre à cette question.

 

Qu’aurait fait Gabrielle Solis (alias Eva Longoria) dans cette situation ? Sortir de l’eau, le buste en avant, le cul dandinant, les cheveux au vent.

Ca a l’air facile, je tente la marche séduction massive. Mon maillot colle en haut et baille en bas. Je n’arrive pas à savoir si mes sourcils sont bien en place, mon nez n’a pas l’air net, mes pieds font des pas de géants, et le vent plaque mes cheveux à gauche. Et mes mains, ça se met où des mains d’habitude ?

 

J’arrive à ma serviette, et prends un miroir pour vérifier l’état de l’intérieur de mon nez. Le geste le plus classieux de l’histoire. C’est à ce moment là qu’il me regarde, je le sens, je le sais.

 

M’en fous, j’abandonne pas. Je mange un biscuit major, je me mets de la crème solaire qui sent bon  et je fonce le voir mon bouquin en main. « Bonjour, désolée de t’importuner. Voilà je viens de finir mon livre, et je trouve ça sympa de le donner à la première personne croisée. Tiens ».

Ca s’appelle de la drague à l’intello. Ca s’appelle être une naze aussi. C’est au choix.

Il me sourit, mon cœur fond, mon nez coule, et grâce au vent je me prends un sachet dans la face.

Il rigole comme rigolerait un prince (pas celui de Machiavel, un de Monaco). Ma dignité s’électrocute au contact de mon sang.

Il prend le livre et s’en va.

 

Non je n’avais pas noté mon numéro dedans…

Non je n’avais pas fini de le lire….C’est quoi la chute alors ?

 

Trente minutes plus tard, ma cousine arrive à la plage. Elle m’essuie la trace de chocolat sur ma lèvre et les résidus de crème solaire. Je ressemblais donc à un albinos qui aurait rencontré un pot de Nutella. J’ai l’égo d’un moustique bafoué en plein vol.

 

J’ai raconté mon coup de la foudre à ma cousine, on l’a surnommé « le lecteur ».

Plus tard cet été, on l’a revu. A la lumière de la foule ordinaire, on l’a rebaptisé « Hannibal Lecteur ».

 

L’intensité du soleil ce jour là,  la plage, cet étranger, la folie, ma sottise et Camus ont eu ma peau.

 

 

Mamzelle Namous