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Archive du mois : juin 2011

le cœur au ventre

Dans la vie il faut parfois être sérieux et parler de choses sérieuses avec des mots sérieux. Comme le fait religieux et  la morale dans la civilisation arabo-musulmanne.

En ce moment, me préoccupe le mariage, parce que c’est l’épidémie de la saison, et parce que ça semble déterminer notre existence. Depuis  l’enfance.

 

Un jour que j’avais 13 ans, mes premières règles (ouais désolée pour les détails sanglants), et des douleurs atroces, et que je me plaignais dans tous les sens, ma tante me sort  » Tu verras, tu auras moins mal quand tu te marieras ». 

Hein?  En quoi le fait d’enfiler une robe blanche Jean-Paul Gaultier (je pensais que j’allais devenir très riche), de me faire passer la bague au doigt et de signer un papier allait-il avoir un impact sur ce qui se passe là dans mon ventre? C’est l’effet corset?

Regard salace de ma tante « Non mais un jour tu comprendras.  »

 

Un jour je comprendrai que le rapport intime de l’intimité atténue les douleurs. Chez certaines femmes. Enfin je dis ça, mais moi j’en sais rien, j’ai juste lu ça dans un magazine féminin.

 

Un autre jour que j’avais un peu mûri (j’avais quand même 15 ans et demi) , qu’avec des amies on parlait de la nuit de noces, et que l’une d’entre elles disait que c’était le sujet préféré des filles, que c’était un truc qui les faisait rêver,  j’ai senti qu’un truc clochait. Chez elles ou chez moi.

Pourquoi attendre de signer un contrat pour passer à l’acte? Etait-ce pour ça que le tout le monde voulait se marier le plus tôt possible? Et si une fois passé la corde au cou, le mec est un mauvais coup? Et si une fois mariés, le mec est un vrai connard qui saute sur tout ce qui bouge? Si vous divorcez au bout de six mois?

 

Quel est le sens de la légitimité du sex?

 

J’étais d’accord pour attendre. Parce que de toute façon avec la tête que j’avais, j’étais condamnée à la vertu. Mais pour attendre le grand amour, pas le mari.

Attendre l’homme que tu aimes avec le cœur au ventre. Avec qui toute ta vie prend son sens.

NB : si vous connaissez un type qui ressemble à cette description, filez lui mon mail).

 

Le mariage lui n’est que la contractualisation du sens des choses.

 

Et moi, ce qui se passe là dans mon ventre, ça ne regarde ni le droit, ni la religion, ni le maire. Sauf si, attendez, il ressemble à quoi le maire d’Alger?

 

Alors voilà j’ai grandi, et je grandis, avec cette idée.

 

Encore un autre jour où j’avais un peu vieilli (c’était hier), je suis allée chez l’esthéticienne. Il fait beau, les jambes sont de sortie, faut bien arracher le poilou. Offerte à ses mains, je lui demande de passer au poilou du minou (ouais ouais désolée pour les détails poilants).

Elle me demande  » Tu  es mariée? »

-Euh non…

-« Qu’est ce que tu t’en fous alors? »

Je replonge dans mes 13 ans, je ne comprends pas, je voudrais être méchante mais elle a de la cire et je suis nue, alors je ne dis rien.

 

Elle ajoute  » Non non mais c’est bien de le faire dès maintenant, comme ça quand tu te marieras, ça sera plus facile. »

-Ouais ouais justement c’est pour ça que je suis venue, parce que ce matin je pensais au jour de mes noces, et  j’ai décidé d’investir à l’avance dans le business du poil.


Allongée face à elle, je pense à la vertu, à la pudeur, à la pureté. Des valeurs dépassées par des symbolismes symboliques. Des valeurs rabaissées et salies. Mais certainement pas par le fait amoureux.

 

 

Mamzelle Namous


Les Prêcheurs

Vendredi, jour du seigneur.

Ce jour où tout est fermé plusieures heures pour cause de prière. La dernière fois que t’as prié t’avais 15 ans et c’était la veille de tes compos, mais tu te souviens pas que ça durait aussi longtemps. C’est à cause des prêches qui vont avec. Dans ton quartier y a un commercant qui fait le rebelle et qui ferme que 10 minutes, le temps de la prière. Tout le reste c’est de la politique, il dit à ses clients. Tout le monde le trouve bien léger mais aussi bien serviable.
En attendant le déjeuner, tu t’installes devant la télé. Y a des gens intelligents qui parlent de Strauss-Khan, et t’essayes de retenir par coeur les phrases d’une belle blonde philosophe, pour les ressortir plus tard. Elle dit que cette histoire nous a emprisonné, et un tas d’autres choses profondes.

J’ai bien essayé de les replacer après avec mes parents, mais les mots sortaient pas de la même façon. Sur elle c’était du genre  » La portée médiatique de cette affaire nous a contraint à nous plonger dans une indécence, d’une portée quasiment métaphyisque, nous a étalé la vulagrité de la vie publique et alors que lui dort dans une prison dorée, nos sens sont vautrés et nos pensées enchaînées« .

Sur moi, ça donnait « L’affaire strauss-khan bezaf ! ».*

Les deux se valent mais crédibité intellectuelle zéro. J’ai tenté de me racheter avec l’histoire de la bactérie tueuse dans les légumes, en disant  » J’avais raison de jamais manger de légumes, hi hi hi! « .  Mes goûts d’enfants confortés, leur regard apitoyé.
Pendant que je parle comme si j’étais une blonde (et non plus LA blonde), ma mère veut que j’écoute l’Imam à la télé. Il dit parfois des choses sensées d’après elle. Mais je m’endors en me disant que jamais je ne  laisserais mes chaussures à l’entrée d’une mosquée. Ca me rappelle la seule fois où je suis entrée en pareil lieu et que le type nous avait lavé le visage avec de l’eau bénite et que j’avais pensé ensuite que c’était le meilleur démaquillant au monde. Depuis je collectionne les flacons d’eau de bir zem zem** et ma peau est éclatante de santé. Peut-être que ça se voit aussi de l’intérieur et que c’est comme une prière en somme.

 

Ma mère me redemande pourquoi je ne fais pas la prière. Je lui réponds qu’il me manque le temps où les gens commençaient à flipper et à prier à  45 ans, allaient à la Mecque à 70 ans, n’en revenaient parfois jamais. Soit ils  crevaient étouffés par les prières des autres, soit ils devenaient marchands d’or.
Aujourd’hui le gars de 25  ans rêve d’y aller, parle en plaçant des références à Dieu toutes les cinq minutes, fait un crédit sur 10 ans pour acheter un mouton, envisage d’arrêter de boire un jour et prétend vendre du rêve . Tout fout le camp.

Regard affolé de ma mère.

Vendredi, nuit du seigneur, beaucoup de restos sont fermés. Le choix est donc limité et tu files chez l’indien de Cheraga avec tes potes. La Mecque de l’arnaque. De la bouteille d’eau d’ifri qu’on t’impose, du bol de riz tellement hors de prix que tu te dis qu’il  est sûrement béni d’un dieu indou, des deux morceaux de poulet qui se battent en duel dans un bain marron-jauni qui ressemble vaguement à du curry. A la fin tu te demandes si la table à côté vient pas de se faire servir le reste de ta sauce.
 A la libération, le mauvais goût se paie cher.
Tes amis veulent aller en boite mais tout le monde a la turista. Chacun dans ses chiottes pense au lendemain qui l’attend. Le samedi où tu dois régler toutes les choses matérielles de ta vie. Moi je vais aller à ma banque juste pour faire semblant qu’il se passe quelques chose sur mon compte.

 Le samedi où tu maudis le mec, qui y a 2 ans a bougé le  week-end jeudi/vendredi. Tout ça pour être à l’heure internationale. Fallait peut-être y penser en 62 à l’international.  Tout fout le camp.

Après bénédictions et malédictions, tu vas à la mairie retirer un papier hyper important pour faire un autre papier qui te permettra de t’inscrire à la piscine municipale. La mairie n’est pas équipée d’ordi, elle marche aux registres ( gros grands cahiers, souvenez vous), grosses chaises en cuir dignes des réunions FLN (souvenez vous, c’était y a pas si longtemps), la machine administrative est si lente que je crois qu’on a remonté le temps. 62 est encore là, rien n’a pas foutu le camp.

Prions pour ce pays. Nos âmes peuvent attendre.

Mamzelle Namous

*C’est trop
**Eau sacrée, bénite,  de la Mecque

La Mort Heureuzzz

Avec l’été les moustiques. Ca pique, ça gratte, ça met de la pommade, ça fait chier sa race. On veut leur peau.

Après eux, ton petit frère qui les chasse à coups de coussin  et ton grand frère qui  les attrape à coups de main. Ca marche une fois sur deux. L’autre fois c’est toi qui t’es pris la baffe ou le coussin dans la face.

Avec eux ton père qui rentre tout content d’avoir acheté un appareil à électrocuter les moustiques. Ambiance chaise électrique au dîner. Ambiance shoah chez les Namous.

 

Avec l’été il  y a mieux. Y a la plage, y a les amours de vacances et l’espoir d’en choper un (de mec, pas de moustique). Je suis passée pro en la matière.

 

Imaginez une plage vide au matin qui se lève. C’est magnifique ce silence. Les éboueurs ne sont pas encore passés, ils ne passeront qu’une fois sur trois. Ce matin là quelques sachets s’envolent avec le vent, quelques melons sont emportés par les vagues.

Dans le décor il y a moi, levée de mon insomnie, un livre à la main. La Chute de Camus.

Et assez près un homme, qui lit un livre aussi. On peut imaginer que c’est un Dostoïevski, ou « Comment gagner au poker » de Bruel. C’est au choix.

 

Deux êtres seuls sur une plage ; le moment nous rend beaux. Mes neurones se mettent en place pour trouver une stratégie d’attrapage. Y a beaucoup de vent, je pourrais faire semblant de me noyer, mais s’il ne vient pas, est-ce que ça vaut le coup de risquer sa vie pour l’image de l’éventuel homme de sa vie ? Un neurone s’électrochoque contre un autre en essayant de répondre à cette question.

 

Qu’aurait fait Gabrielle Solis (alias Eva Longoria) dans cette situation ? Sortir de l’eau, le buste en avant, le cul dandinant, les cheveux au vent.

Ca a l’air facile, je tente la marche séduction massive. Mon maillot colle en haut et baille en bas. Je n’arrive pas à savoir si mes sourcils sont bien en place, mon nez n’a pas l’air net, mes pieds font des pas de géants, et le vent plaque mes cheveux à gauche. Et mes mains, ça se met où des mains d’habitude ?

 

J’arrive à ma serviette, et prends un miroir pour vérifier l’état de l’intérieur de mon nez. Le geste le plus classieux de l’histoire. C’est à ce moment là qu’il me regarde, je le sens, je le sais.

 

M’en fous, j’abandonne pas. Je mange un biscuit major, je me mets de la crème solaire qui sent bon  et je fonce le voir mon bouquin en main. « Bonjour, désolée de t’importuner. Voilà je viens de finir mon livre, et je trouve ça sympa de le donner à la première personne croisée. Tiens ».

Ca s’appelle de la drague à l’intello. Ca s’appelle être une naze aussi. C’est au choix.

Il me sourit, mon cœur fond, mon nez coule, et grâce au vent je me prends un sachet dans la face.

Il rigole comme rigolerait un prince (pas celui de Machiavel, un de Monaco). Ma dignité s’électrocute au contact de mon sang.

Il prend le livre et s’en va.

 

Non je n’avais pas noté mon numéro dedans…

Non je n’avais pas fini de le lire….C’est quoi la chute alors ?

 

Trente minutes plus tard, ma cousine arrive à la plage. Elle m’essuie la trace de chocolat sur ma lèvre et les résidus de crème solaire. Je ressemblais donc à un albinos qui aurait rencontré un pot de Nutella. J’ai l’égo d’un moustique bafoué en plein vol.

 

J’ai raconté mon coup de la foudre à ma cousine, on l’a surnommé « le lecteur ».

Plus tard cet été, on l’a revu. A la lumière de la foule ordinaire, on l’a rebaptisé « Hannibal Lecteur ».

 

L’intensité du soleil ce jour là,  la plage, cet étranger, la folie, ma sottise et Camus ont eu ma peau.

 

 

Mamzelle Namous

Oh Baby It’s A Wild World

C’est toujours la même rengaine, se lever et affronter le monde extérieur. Et mes mots sont pesés. Alors qu’on aimerait rester dans son confort d’émotions, éviter les remarques, les regards que l’on fait porter, nos contradictions.
Eviter notre être dans la société.
Pourtant il faut bien le faire, on a été éduqué pour ça.
Mais trop c’est trop. La semaine dernière j’ai suggéré à mon patron que je pouvais tout aussi bien faire 90% de mon travail à la maison, qu’internet et le téléphone servaient à ça, éloigner les gens. Et le méchant il a pas voulu. J’ai failli lui faire une démo à l’américaine, avec diapo et tableau démontrant de la hausse de ma productivité si je restais chez moi, mais bon moi je suis algérienne, je me suis tue et je suis allée geindre ailleurs.
Alors je reste dans mon bureau, à manger des bigkat (le kitkat algérien), et à lire des blogs. J’ai récemment découvert celui-ci , et je m’emplis de beauté et d’humour.
Et quand je sors du bureau, c’est le choc. C’est un monde sans dérision, des féminités préfabriquées, des bruits de talons à rendre sourd un castor, et des hommes aux âmes moches.
Et moi dans tout ça j’ai peur de devenir comme ça. Un cœur amer dans un corps de fast-style.
Peut-on à ce point être emmerdé par tous ou est-ce juste des vagues à l’âme post-ado ?
Je demandais une fois à un ami si ça lui arrivait à lui aussi d’en avoir marre de tout le monde, de regretter les jours où on était sympas et sociables avec les autres, et de ne plus avoir envie de faire semblant ?
Il m’a répondu « Il y a des jours où ça ne m’arrive pas ». Et j’ai ri tellement fort que c’était l’évènement du jour dans la boite.  Pourquoi a-t-elle ri ? A cause de ce qu’on a lui dit sur mon kiki?
Alors c’est bon signe qu’il y ait une communauté de tous les sauvages de la Terre. Sauf qu’il y a des jours, j’avoue, où j’entre bien dans le monde. Où je complimente machine sur son écharpe machinalement, où je rigole, où je commère, partage, où j’ai même parfois un sentiment de bonheur et d’appartenance.
Mais la nature revient et me rappelle à ma sauvagerie et tout le monde m’énerve de nouveau. Avec ma mère notre récent jeu est de trouver une personne qui ne me soule pas. A ce jour, on en a compté deux (allez trois). Sur 300 amis facebook (ok, moins !), ça fait cher le compte.
La pire trahison à son état sauvage c’est lorsque des phrases s’échappent de votre bouche et que sur le coup vous y croyez. Ensuite vous avez envie de pleurer votre race d’avoir dit ça et d’être devenu ça.
L’autre jour, ma copine Azyadée (on choisit pas son prénom) m’a invité chez elle pour qu’on parle de son futur mariage et de ses problèmes de couple. Et je me suis entendue dire « Il vaut mieux toujours épouser quelqu’un de son milieu-socio culturel », « Vous avez pensé à l’éducation des enfants ? », « Et votre plan logement ?», « Si ta mère ne l’aime pas, tu devrais pas l’épouser », « Il faut pas se marier pour de mauvaises raisons ».
Ensuite son chien m’a pissé dessus et c’était comme un coup de pied au cul. Un coup de pied à la bien-pensance qui s’immisçait en moi.
Mon authentique ignorance a repris le dessus quand Azyadée nous a montré à Shérazade (mes copines ont des prénoms bizarres oui) et moi ses affaires de mariage. J’ai donc appris qu’il y avait une valise de trousseau qui devait rester jolie et propre. Je sais que la mienne (si valise il y a un jour) sera tachée et cabossée, car ainsi va la vie d’une valise. Que les futurs mariés achètent des draps et peignoirs en soie et satin. Et je me demande pourquoi les jeunes mariés ne dormiraient pas dans du coton.
Ma sauvagerie a aussi repris quand j’ai tué le chien précédemment cité.
Un autre jour j’ai rencontré un garçon qui m’a parlé de sa vie de famille. Le soir venu il couche ses enfants, et au lit avec sa femme, ils boivent du scotch. Et juste cette scène suffit à leur bonheur.
Ne penser qu’à ce genre d’images ça réconcilie avec sa vision du monde. Enfin un peu.
Mamzelle Namous 

Petite Vie

Alors aujourd’hui je me suis mise à écrire, des phrases sur les belles âmes, indéfinissables mais reconnaissables. Les âmes moches, repérables.
Puis j’ai regardé mon facebook,  et c’était inondé de mamans. De maman tu es la plus belle du monde, tu sens la vanille et le levain, et tu m’as guidé et n’oubliez pas la fête des mères. Ca serait bien que ce genre de message apparaisse un peu avant, pour ceux qui, comme moi, oublient.
Résultat, pas de cadeau, pas de gâteau. Réunion au sommet avec mes frères. Entre le petit  qui me sort
« C’était pas l’année dernière la fête des mères? », « Non c’est une arnaque annuelle mon ptit » ;
le grand qui me dit  » C’était pas déjà en décembre ce truc? » , » Non c’était en janvier et c’était son anniv »;
et le moyen qui vient de se réveiller du week end, qui m’offre un « hein? », je comprends vite que la cohésion familiale repose sur mes frêles épaules.
N’ayant pas d’argent, je pense à lui faire un coloriage. Puis je me rappelle que je n’ai plus six ans.
Je pense à lui acheter un parfum cheap, puis je me souviens qu’il finira probablement en désodorisant ou en complément javel.
Je pense au gâteau,  mais les pâtisseries ne prennent plus de commandes après midi. J’y vais quand même, je vois plusieurs fraisiers ornés de « bonne fête » en vitrine et je bluffe. Ca marche, puis je culpabilise et je rends le gâteau.
Retour à la case départ. Il me suffit de renter plus tôt à la maison, de faire un gâteau moi-même, d’empoisonner tout le monde et de mourir en paix.
Il me suffit aussi, en guise de cadeau, d’écrire un poème.
 » Chère maman, tu sens l’océan et les crêpes au citron.
A 11 ans, tu m’as interdis de voir ma meilleure amie. Soi-disant une fille de mauvaise vie. Je t’en ai voulu  beaucoup, mais maintenant je m’en fous.
A 14 ans, tu m’a offert un livre « Côté coeur c’est pas le pied ». Ca ne l’a effectivement jamais été.
A 15 ans, tu as souhaité que mes amours commencent tardivement. Si tu pouvais annuler ce sort, ça serait genre super cool à mort.
A 18 ans, tu m’as interdit d’aller en boite de nuit. J’ai pleuré toute la nuit. Maintenant c’est quand j’y vais que j’ai envie de chialer.
A 20 ans, alors que je rêvais d’être actrice, et que je me voyais déjà en haut de l’affice , tu m’as cassé mon rêve. Bon pour ça c’est pas encore la trêve.
A 20 ans, j’ai quitté ta maison et putain comme j’ai maigri. Alors merci.
A 24 ans t’as voulu que je fasse un boulot que je voulais  pas. Si tu pouvais arrêter d’insister avec ça…
Bon et maintenant, t’aimerais bien que je rencontre l’homme de ma vie ( ou le fils de ton amie Nassima), qu’on fasse la noce, et qu’on ponde un ou deux gosses.
Alors que moi j’ai juste envie de rester la fille à sa maman. D’ailleurs si tu pouvais m’aider à faire un gâteau au chocolat, ça serait genre super sympa ».
Il est bien mon poème ou faut que j’aille braquer une bijouterie?
Mamzelle Namous

It doesnt’ eat bread

Salut les gens, après presque deux semaines d’absence, me revoilou. Je reviens avec un nouveau texte dans la rubrique Invité. Ca parle de contraception, de sa vision, de gynéco, de parano.
Oh regardez c’est moi la brunette! Enfin ça pourrait…

Je reviens aussi avec un récit de voyage. Pour mon dernier vol, j’ai été overclassée. J’ai eu un accès pour le salon première, le truc trop classe. Ce qui l’était moins c’était moi.

J’y entre en me disant que je dois me comporter comme une habituée. Je m’assois donc sur le premier fauteuil croisé, tellement j’étais rouge que tout le monde me regarde. Ensuite je fais semblant de chercher quelque chose dans mon sac, histoire de prendre un air décontracté.
Après j’appelle ma grand-mère pour lui dire de rien préparer à manger, vu que je compte dévaliser l’endroit.
J’attends un peu, je regarde les gens riches autour de moi, et je fonce. Petits pains, petits fromages, petits trucs que je sais pas ce que c’est, mini-mini-mini coca adorables….
Mais pas de couteaux. Je vais donc voir l’hôtesse d’accueil pour lui demander où qui sont les couteaux, parce que mes sandwichs ils vont pas se faire tout seuls. Regard embarrassé de la nana,  » nous n’avons pas de couteaux mademoiselle« . L’air de dire, ton complet poulet tu le fais pas ici.
Parce que vous comprenez, ça ne mange pas de pain d’être riche.
Qu’à cela ne tienne, ma cuillère fait aussi couteau.
8 petits sandwichs plus tard, je lève la tête. Un couple d’algériens tellement hype qu’on dirait pas des algériens me regarde comme j’ai l’habitude de regarder les sauvages qui raflent tous les gâteaux lors des réceptions au boulot.
M’en fous, je le reverrai jamais, alors..
Au moment de partir, je prends encore une poignée des petits trucs que je-sais-pas-ce-que-c’est, mais qui ont l’air bien, et mon sachet pèse 5 kilos de plus.
En route vers l’avion, je me rends compte que j’ai oublié de choper les mini-mini confitures bonne maman, et je veux y retourner. Je marche donc vite, et là il se passe quelque chose qui n’arrive que dans les films.
Mon sachet se déchire, mon magot se déroule par terre, ma dignité aussi.
Le couple hype précédemment cité m’aide à tout ramasser, avec une attitude très élégante. Ca ne mange pas de pain d’être classe, que voulez vous.
Croyez pas que ça m’a empêché d’aller chercher mes petits pots.
Mon sac pèse trois tonnes et ne ferme pas, mais ça il a l’habitude.
Me voila plus tard dans l’avion, au milieu de l’élite algéroise, et des beggarins. Les hôtesses ont un comportement étrange avec moi, leur grimace ressemble à un sourire, elles sont atteintes de gentillesse aiguë, et y en a même une qui m’a aidé à foutre ma valise dans le coffre.
C’est le printemps, c’est la pluie, c’est la pilule du bonheur, l’air sent riche.
Pour remplir ma petite fiche, je demande un stylo à un mec à coté. Mon bic est coincé au fond de mon sac, sous les papiers, la bouffe, le maquillage, l’appareil photo, la confiture. Faut être vacciné pour s’aventurer là dedans à l’aveugle.
Le type me tend un mont blanc dans sa pochette de cuir. Il m’a fallu deux bonnes minutes pour comprendre le mécanisme. Et ce temps m’a trahi, la cabine entière sait que je suis une outsider et j’entends leurs ricanements intérieurs. Pour faire comme eux, je ricane aussi.Au milieu des faux rires et des faux-semblants, j’ai envie d’éclater de rire.Se moquer des autres c’est bien. Se moquer de soi même c’est encore mieux et ça ne mange pas de pain.
Mamzelle NamousP.S I love you : puisqu’on parle de pain, y a cette initiative sympa , le sac à pain publicitaire. Ca mange pas de pain d’aller voir ce que c’est !

No Man’s Land


Salut les amis, la semaine dernière j’étais à mon endroit préféré sur la terre, ma coiffeuse de quartier.
Ce salon de coiffure est un endroit VIP, la porte fermée à clé, avec effet on voit dehors mais pas dedans. Et ce n’est pas à tout le monde qu’elles ouvrent la porte les nanas. Je le sais, je suis souvent dedans.
Une fois à l’intérieur c’est un monde merveilleux, où le mot balai n’existe que deux fois par semaines,  où les fourmis ont fait leur nid dans les miroirs, se confondant ainsi au reflet des points noirs.
Une phrase que vous n’y entendrez JAMAIS : «  La température de l’eau vous convient ? »
Toujours brulante l’eau, seules les femmes au-delà de 50 ans ont le droit de se plaindre.
Y a un truc bien avec le lavage des cheveux chez la coiffeuse, c’est qu’en même temps elle te nettoie tout le corps et ça c’est bien.
Après ça, elle te passe une serviette jaunie par le temps sur la tête et tu passes au brushing.
Oui le brushing est la seule chose faisable. Je me suis risquée une fois à lui demander de me couper les cheveux, et c’était l’évènement de l’année au salon. Mais je lui faisais confiance, elle était tellement douée la coiffeuse qu’elle tenait les ciseaux d’une main et son téléphone de l’autre. Le résultat fut si moche qu’elle m’a offert six mois de brushing gratuit, le temps que ça repousse. Vous savez maintenant pourquoi j’y vais souvent. J’en suis à trois mois, je sens que mon crâne, à force d’être tiré, quitte lentement  mon corps.
A la fin, elle me propose un peu de gras. Hein ? Le gras, ce mot glamour pour signifier produit hydratant. Non merci, celui de mon cuissot me suffit.
Je n’ai jamais franchi la partie « esthétique », de l’autre coté du rideau, parce que bon voilà, pas trop envie de choper un kyste ou une MST. Y a des limites à l’aventure.
Dans un salon de coiffure on parle de tout. Le mariage de Kate et William,  les nanas en parlent comme si c’était celui de leur frère. Le problème de visa pour la France, elles ont trouvé une solution à l’échelon national : le boycott. Parce que tu vois, si personne ne demande de visa, yetghazlou !
Alors j’en profite pour lancer  ce mouvement : si tu ne vas pas au consulat, le consulat viendra à toi.
Ca parle aussi du fard à paupières mauve fauve de Bourguis, que la cousine d’Aldjia a fini.
Dans un salon de coiffure, il y a des filles qui passent des heures à se pomponner, et juste avant de sortir elles enfilent leur hijab, et moi ça m’étonne à chaque fois. A quoi bon souffrir pour être belle – cette expression prend tout son sens-  uniquement entre les quatre murs de ta maison.
Les seuls hommes à pouvoir admirer cette chevelure brulée, graissée, brillante et soyeuse, sont ton père et frère, et franchement ça craint pour elles. C’est toujours eux les plus critiques.
Et puis aussi c’est injuste pour les autres filles qui doivent affronter les yeux du monde même dans les bad hair days (bad hair life dans mon cas), alors que les voilées n’ont pas les couilles  d’être moches en public.
J’en profite alors pour lancer un autre mouvement : à bas le voile, mettons les voiles, face au monde soyons égales. Yeah !
Un jour, j’avais perdu une petite chaîne précieuse. A la chercher partout comme un droopy, je m’étais découragée.
Des semaines plus tard, je vais chez la coiffeuse, elle me demande si j’ai pas perdu quelque chose récemment. Oui ma virginité, pourquoi ?
Le  balai avait récolté le collier, et elle l’a sagement gardé en pensant à moi.
Ma coiffeuse de quartier, c’est la grande classe.
Mamzelle Namous

Le Syndrome du Monde

Alors ça y est, Ben Laden est mort. On y croit moyen à tout ça.
A force d’entendre nos grand-mères dirent que le 11septembre qui s’effondre c’est les américains eux-mêmes, que le froid en mai c’est eux aussi, que la boulangerie qui ferme c’est surement eux, on a fini par  contracter le syndrome du réflexe de paranoïa automatique. Le RPA.
On a aimé voir les télés ressortir leurs plus beaux spécialistes de politique internationale. Le profil idéal étant celui du type de même pas 40 ans, trois voyages moyen-orientaux à son compteur, l’envie de parler avec des concepts compliqués, l’envie de plaire, et l’illusion d’illusionner.
On a aimé voir défiler les images de Ben Laden, les mêmes depuis 2001.
On a adoré dire que le terrorisme en Algérie ne lui était pas totalement étranger. Que les premières victimes c’étaient nous. Autrement appelé le SUV (syndrome universel de la victimisation).
Bon, avec une décennie de traumatisme, on le mérite bien ce SUV. Certains en abusent un peu. On a tous un ami qui habitait au 10ème étage d’un immeuble en plein centre ville et qui a failli se faire égorger, in extremis.
Ouais ouais ouais, et moi j’ai survécu à une bagarre avec un ours un jour en 1996.
On a rappelé qu’un jour, au milieu des années 1990, une femme (je sais plus son nom), a dit au monde que si les étrangers ne s’occupaient pas du problème algérien, le terrorisme ferait des ravages mondiaux.
On s’est souvenu, avec amertume, des moqueries qu’avait suscité le président Zeroual, quand il a demandé aux banques anglaises (ou autres) de bloquer les comptes des réseaux terroristes.
Fermons cette parenthèse de SUV.
Vous vous souvenez quand l’actrice Marion Cotillard a émit des doutes sur l’histoire du 11 septembre, et qu’Oh Mon Dieu, comment a-t-elle pu dire une chose aussi incongrue ? Eh bien en Algérie, c’est l’inverse, c’est croire le discours officiel qui vous apparente à un imbécile.
Les océans se renvoient la balle de la crédulité et de la paranoïa. C’est aussi ça le libre-échange.
Ce qui m’étonne toujours c’est la différence de point de vue entre les mers, et la peur de ne pas savoir nager.
Je disais l’autre jour à une grande amie que non ceux qui croient que Ben Laden est mort dans les conditions présentées ne sont pas forcément des idiots. Que depuis l’enfance, on est éduqués de façon à voir les choses d’un certain angle.
Qu’il faut accepter le déterminisme des autres et voir le sien.
Le dépasser est une autre étape.
Y en a qui appellent ça l’ethnocentrisme. En France on apprend à l’école, qu’aux Etats-Unis, l’Amérique est au centre des cartes du monde et ça fait rire les élèves. Les profs d’histoire enseignent que la guerre d’Algérie c’est loin derrière.
Le français grandit avec l’idée que les iraniens sont des arabes comme les autres, que les arabes sont antisémites, et que l’islam est une race à part.
A l’école algérienne, on étudie tellement l’histoire et la géo de notre pays que ça finit par être gerbifiant.
L’algérien est un francophone comme les autres.
Tant que nous grandirons dans un monde où l’éducation cherche plus à nous façonner qu’à nous grandir, ne nous étonnons pas de souffrir d’étranges syndromes.
Mamzelle Namous

Dar el Diaf

Ceci est un message de la Blog Ideas Team : La page Invités  est en train de mourir de solitude, sauvez la!

Edit 21h15, une âme généreuse a prématurement entendu cette appel au secours, et en plus son texte il est bien, allez vite lire les aventures de proprounet !

Photographie algéroise

Vous vous souvenez qu’il y a quelques temps on a dressé un portait authentique de l’Algéroise ? Depuis, je ne cesse de recevoir des demandes (enfin une)  pour que l’on fasse la même chose avec l’Algérois.  L’exercice m’a paru difficile, parce que je ne connais pas les garçons, et je risque de dire des choses qui vont me condamner au célibat. Alors ce portrait j’ai pas voulu le faire,  mais devant l’insistance du public j’ai cédé.

Pardonnez-moi lecteurs si j’ai péché.
Dziri, c’est le nom d’un magazine masculin genre GQ, mais pas vraiment ressemblant. L’algérois ne le lit pas, parce que les revues de ce genre c’est un truc de filles.
L’algérois a un accent d’arabe qui  roule des rrrrrr quand il discute avec ses copains, mais parle comme un Ardisson  quand il s’adresse à une fille. Un truc de mec, nous ne demanderons aucune explication.
L’algérois vit une histoire d’amour avec son coiffeur. Vous ne le savez pas, mais le coiffeur tire son inspiration des pages sport, la coupe Zidane  fait fureur en Algérie. Le gel aussi.
Il boit son café du matin dehors, parce que c’est plus fort, plus homme, plus viril. Si votre copain boit du thé à la fleur de lotus, alors votre spécimen est gay.
L’algérois est soit maigre, soit un peu enrobé. Les beaux corps ne courent pas les plages à Zéralda.  Quelque chose dans les gènes, dans le couscous de maman, dans le frite-omelettes  de midi, dans le foot du vendredi.
L’algérois Déteste les filles matérialistes, mais jamais vous ne le verrez  avec une basket  non marquée à son pied. En général il fait très jeune son choix entre Nike ou Adidas.  Une fois les pompes enlevées, place aux bligha, ô combien sexy. 
Le dziri n’aime pas les films français. C’est, à ses yeux,  un objet cinématographique non identifié, et les acteurs ça se voit qu’ils jouent la comédie, et y a des scènes qui servent à rien.
Sa petite sœur, nous pleurons son sort.
Accompagnée d’une fille ; peu importe leur lien, l’algérois ne la laisse jamais payer. L’inviter ou partager la note, c’est la castration directe. C’est sa souveraineté nationale qui est en jeu là.   Le comité international des radines sans frontières (le très sérieux CIRF)  lutte d’ailleurs pour répandre cette pratique du mec qui paie à un échelon mondial.
Il faut le dire, il peut arriver qu’il ne se douche pas tous les jours (ça c’est bien universel), et lorsque le jour du grand bain arrive, il aime utiliser Tous les produits présents dans la salle de bains.  Y compris ceux qui ont coûté un bras à sa pauvre petite  sœur (pleurons de nouveau son sort).
Il vote jamais, il a un avis sur tout. Déteste ce gouvernement, source de tous ses problèmes.
Les jours de chômage, et Dieu sait qu’il connaît ça le chômage, il se lève à 14h, grogne contre sa moman  parce qu’il n’y a plus de pain, sort traîner avec ses incontournables potes de quartier (élevés au rang de sacré ceux là), et rentre chez lui a 22h cherchant le dîner.
Le jour du petit aid, l’algérois a fait la queue 30 minutes  devant un débit de boissons.  Quand il a appris que sa copine ne mangeait pas toujours hallal, il lui a fait la morale pendant une heure. Ça n’a pas duré longtemps entre ces deux là.
N’allez pas imaginer que notre algérois n’est qu’un type en jogging blanc sali, cigarette  au bec , ronchon, qui passe ses journées à se plaindre. Ça c’est notre voisin qui fait un peu pitié.       
                                                                                                          
L’algérois, le vrai, le beau gosse, le mec classe qui nous fait glousser, lui il a quitté le pays il y a bien longtemps. Ou bien il rêve de se barrer, et il raconte ses envies d’ailleurs, en ronchonnant.
L’algérois, c’est souvent  ce mec bien, dont l’univers a mal distribué l’âme.
Mamzelle Namous